En tant que cheffe d’entreprise, je me pose souvent la question de mon rôle et de mes responsabilités en tant que citoyenne, au sein de ma communauté de vie et de ma communauté professionnelle. Lorsque je travaille, est-ce que je parviens à demeurer fidèle aux valeurs que je défends dans mon cadre privé et social ? Quel exemple je donne aux personnes avec lesquelles j’interagi ?
J’en étais là de mes réflexions, lorsque j’ai été confrontée à cette phrase : « Je suis parce que nous sommes ». Il s’agit du principe fondamental de la sagesse Sud-Africaine Ubuntu. Ce principe, revendiqué par plusieurs cultures et groupes de pensée, ressemble pourtant à une utopie, quand on regarde le monde et son état depuis des temps immémoriaux. Chacun l’exprime avec ses mots et sa sensibilité. D’aucun vont parler de « Famille Humaine », d’autre de « Fraternité Universelle ». Mais finalement, peu importent les mots, car ce sont les actes qui déterminent les citoyens que nous sommes en réalité.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, proclame tous les êtres humains libres et égaux en droits. Or, dans les faits, rien n’est plus inexact. La version initiale de ce texte n’a-t-elle pas été promulguée en 1789, pendant la traite négrière. En aucun lieu de cette planète, les êtres humains ne semblent pouvoir bénéficier par défaut, de cette liberté absolue et inaliénable. Les déterminants de la liberté et de l’égalité varient selon plusieurs critères. Mais le plus consensuel, à ma connaissance, c’est le critère financier. On serait presque tenté de croire que la quantité d’argent que l’on possède, détermine le niveau de notre liberté. Mais je n’irai certainement pas dans cette direction.
La définition antique du mot citoyen, dit qu’il s’agit de la personne qui a « droit de cité ». C’est-à-dire, qui appartient à une communauté politique dont les membres s’administrent eux-mêmes.
J’ai tendance à préférer parler de droits du citoyen, car le terme « citoyen » implique une action consciente et volontaire dans la démarche d’adhésion à une communauté. Selon moi, la naissance ou l’héritage de valeurs ne sont pas des garanties, ni pour la bonne compréhension de ces valeurs, ni pour leur bonne mise en œuvre. Encore une fois, c’est à travers les circonstances, et dans les actes que les principes et ceux qui les défendent, sont réellement mis à l’épreuve.
Cette phrase m’a immédiatement interpellée lorsque je l’ai entendue pour la première fois. Car contrairement à l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, il ne s’agit ni d’une injonction, ni d’une recommandation. Il s’agit pour moi, d’une affirmation solennelle vis-à-vis de soi-même, et d’un engagement tout aussi solennel envers sa communauté. Car en adoptant le principe structurant de Ubuntu, chaque individu choisit d’ajuster son comportement quotidien selon ce paradigme.
Vous l’aurez compris, c’est avant tout la dimension volontaire et individuelle que je retiens ici. Ubuntu nous rappelle que nous détenons individuellement, à tout moment, le pouvoir de choisir qui nous voulons être au sein de notre communauté de vie, ou professionnelle.
Appartenir à une communauté est-il synonyme de perte de nos libertés individuelles, telles que nous le concevons en France ? C’est-à-dire, la liberté comme « principe inhérent à la nature humaine » ?
Je ne pense pas. En fait, je ne vois pas pourquoi. Une vie en communauté n’est pas synonyme de renoncer à ce que l’on est ou à qui on est. Vivre ensemble pour moi, c’est juste, coexister avec les autres. C’est avoir des activités en commun, partager un espace et des ressources avec d’autres. Moi plus l’autre ne signifie pas, moins de moi et moins de l’autre. Moins pour moi et/ou moins pour l’autre. Bien au contraire. Moi plus l’autre, cela donne nous ; une troisième voie, des forces décuplées, des opportunités supplémentaires qui n’auraient pas existé sans notre rencontre.
Et dans le monde de l’entreprise, c’est encore plus vrai. Les entreprises qui fonctionnent en cohérence les uns avec les autres, autour d’un système de valeurs partagées, constituent des écosystèmes puissants et productifs. Tout est ensuite question du type de valeurs qu’elles partagent, et de leur impact sur la société et les citoyens.
Appliquer les valeurs d’Ubuntu dans le monde des affaires, nous permettrait sans doute, nous autres entrepreneurs, d’y insuffler une énergie nouvelle, certainement plus en phase avec les attentes et les besoins des clients et des consommateurs que nous sommes supposés servir et satisfaire. – Nathalie Daouda
Profitez de tous les sujets abordés dans le magazine K-World de janvier-février 2021
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
K-World est un magazine digital et bimestriel, de 60 pages et une trentaine d’articles dont au moins 1 dossier spécial. Tous les articles sont rédigés par des journalistes professionnels mais nous accordons une place particulière aux experts qui souhaitent contribuer sur des sujets spécifiques.
La ligne éditoriale est la valorisation et la compréhension des besoins spécifiques entrepreneurs et consommateurs africains et afro-descendants. Nous veillons au partage d’information et à la vulgarisation des modèles économiques et de production, qui autonomisent véritablement, et pérennisent les entreprises.